L’Espace Européen des Données de Santé
Février 2023
L’Œil du gf2i : L’Espace Européen des Données de Santé
300 entrées par semaine en moyenne dans « gf2i Insights », notre veille journalière de l’actualité du numérique !
Impossible d’avoir une réflexion de fond sur la vingtaine de thématiques qui alimentent cette veille.
Jean-Baptiste LORAIN, étudiant en master de droit du numérique à Paris 1, alternant au gf2i depuis quelques mois, porte pour nous son regard neuf et interrogatif sur un événement, un projet ou une tendance pour nous alerter et nous pousser à la réflexion sur ses enjeux.
Aujourd’hui, il s’intéresse à l’Espace Européen des Données de Santé.
Espace Européen des Données de Santé : une ambition plus haute que les défis ?
L’Espace Européen des Données de Santé (European Health Data Space – EHDS) lancé par la Commission européenne en mai 2022, s’inscrit dans la stratégie de la donnée initiée par Bruxelles. Le projet fait l’objet d’une proposition de règlement pour la mise en place d’un cadre de partage des données de santé à l’échelle européenne. Il doit permettre, d’une part, d’assurer aux patients un accès sans réserve à leurs données de santé et leur contrôle à travers l’espace européen, d’autre part, d’en faciliter l’utilisation pour la recherche et l’innovation et, enfin, l’élaboration de politiques et réglementations. L’EHDS constitue un projet particulièrement ambitieux, sans précédent en matière de santé, vecteur de croissance considérable pour les industries européennes de la santé.
Concrètement, le citoyen européen pourra accéder via une application à l’ensemble de ses données (prescriptions, analyses, imageries médicales, documents hospitaliers, etc.) sans barrière linguistique, tandis que les professionnels de santé pourront accéder au profil du patient pour permettre une réponse facilitée et accélérée à ses besoins de santé. Ce cadre doit également bénéficier aux chercheurs en mettant à leur disposition une quantité inégalée de données propres à alimenter la recherche. L’EHDS doit en outre permettre aux décideurs politiques de disposer d’une meilleure vue d’ensemble sur les différentes maladies et ainsi mettre en œuvre les mesures les plus adéquates en cas de crises sanitaires.
Cette ambition parviendra-t-elle à surmonter les défis qu’elle doit relever ?
En matière technique, tout d’abord, avec l’exigence d’un format européen commun pour permettre l’accès à un vaste ensemble de données produites par de nombreux acteurs (praticiens, hôpitaux, laboratoires, assurances maladies, etc.) sans barrière de langue, de manière sécurisée, alors même que l’on constate la multiplication des cyberattaques à l’encontre des institutions de santé.
Des défis juridiques avec l’affirmation du principe du contrôle total du patient sur ses données et la pleine application du RGPD. Dans ce but, le projet de règlement EHDS prévoit notamment de limiter l’accès aux données de santé à la stricte nécessité des usages par les professionnels de santé. En outre, pseudonymisation ou anonymisation des données devra prévenir les risques de réidentification des patients lors d’utilisations secondaires des données de santé. Droits à la portabilité, à l’effacement et à la limitation du traitement des données, posés par le RGPD, devront également être garantis. Les problématiques sont nombreuses et soumises à des réglementations nationales ou européennes existantes.
Des enjeux tout aussi forts en matière de gouvernance pour assurer la confiance des citoyens et des nombreuses parties prenantes, et permettre un déploiement dans la transparence. Des autorités de santé numérique doivent être installées dans tous les États membres et devront participer à une infrastructure transfrontière (HealthData@EU) qui jouera un rôle prépondérant pour l’utilisation secondaire des données, notamment dans le cadre de projets transfrontières.
Consciente de la multiplicité d’enjeux, la Commission européenne a lancé en octobre dernier 5 cas d’usages pour tester l’EHDS et a confié un rôle pilote au Health Data Hub français.